Lettres d’anoblissement de John Holker, enregistrées par la Cour des aides

Né à Stretford près de Manchester le 14 octobre 1719, John Holker a joué un grand rôle dans le développement industriel de la Haute Normandie. Il s’y est si bien intégré qu’il a été naturalisé en 1766 et anobli par le roi quelques années plus tard.

Âgé de 20 ans, John Holker a commencé par s’installer à Manchester où il s’est engagé comme apprenti chez un maître fileur de laine et où il a appris le négoce. Il s’y est marié en 1745 avec Elisabeth Hilton, de qui il a eu un fils. Mais il est aussi un partisan des Stuart, chassés du trône d’Angleterre à la fin du siècle précédent ; combattant avec les troupes du prétendant, Charles-Edouard, il est fait prisonnier à la bataille de Culloden, incarcéré à la Tour de Londres et condamné à mort par pendaison.

 
Il parvient cependant à s’échapper et se réfugie d’abord en Hollande puis à Paris. Il entre au service de l’armée française et participe à la Guerre de Succession d’Autriche, avant de s’installer à Rouen en 1751 pour se consacrer à son projet de développer le tissage du velours de coton à la manière anglaise.
Arrivé dans la capitale normande, Holker s’associe à un fabricant de Darnétal, Pierre d’Haristoy, pour créer une manufacture. Malgré les risques, Holker se rend à Londres et à Lancaster pour acheter l’outillage et les fils nécessaires ; il y embauche 25 ouvriers spécialisés, dont l’ingénieur constructeur Wild. Les métiers à tisser sont démontés, cachés dans des caisses et chargés sur plusieurs navires munis de fausses déclarations douanières pour être acheminés vers Rouen via Ostende.
 
Bientôt, la fabrique s’installe rue Saint-Julien dans le quartier Saint-Sever, avec l’appui du ministre Choiseul qui lui accorde une gratification de 12 000 livres. Un arrêt du Conseil du 19 septembre 1752 autorise l’établissement d’« une manufacture de velours de coton, draps de coton et autres étoffes de fabrique nouvelle et jusques à présent inconnue en France, avec pouvoir de les teindre, apprêter, vendre et débiter ». Celle-ci reçoit le droit d’apposer sur chaque pièce d’étoffe un plomb doré portant d’un côté les armes du Roi et de l’autre les mots « Fabrique royale de velours et draps de coton de Rouen ».
 
En contrepartie, 30 métiers à tisser et 4 calandreuses anglaises doivent-être mises en service. L’entreprise se développe rapidement : la première année, on y compte 97 ouvriers dont 17 anglais, 2 irlandais et 1 hindou. Le nombre de métiers ne cesse d’augmenter pout atteindre 200 en 1780 ; l’entreprise emploie alors 350 ouvriers ainsi qu’une centaine de fileuses dans la campagne environnante. 
Holker a beaucoup contribué à la modernisation de l’industrie textile en France : il introduit la peigneuse de John Kay, il fait venir les mules jenny d’Hargreaves qui permettent de multiplier par 40 le rendement des fileuses et ouvre un atelier spécial de construction à Oissel où il s’emploie à perfectionner les machines. Il s’intéresse également aux problèmes de teinture et, vers 1767, il fonde la première fabrique d’huile de vitriol sous la dénomination « Chartel et Cie » qui utilise la méthode anglaise des chambres de plomb pour fabriquer l’acide sulfurique.
 
En reconnaissance de cet investissement, Holker est nommé Inspecteur général des manufactures par Trudaine, alors Directeur du Commerce (1755). En 1766, il est naturalisé français avant d’être anobli quelques années plus tard, par lettres enregistrées au Parlement de Rouen le 14 août 1775. En 1780, il se retire définitivement des affaires et décède le 27 avril 1786 dans sa maison de campagne de Montigny. 
 
  • Provenance

Cour des aides de rouen

  • Date

14 août 1775

  • Institution

Archives départementales de Seine – Maritime

  • Référence d'origine

3 b 58 fol. 57

  • Période Chronologique

Période moderne

  • Thématique

Industrie et chemins de fer

Localisation

Rouen – Archives Départementales

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