La victoire de Guillaume le Conquérant en 1066, à Hastings, a permis à de nombreux barons normands d’obtenir, en récompense de leur service, des possessions en Angleterre. Ainsi, Robert Ier d’Eu compte parmi les proches de Guillaume. « La flotte normande aborda sur les côtes d’Angleterre le 28 septembre 1066. Robert et ses deux fils, Guillaume et Osberne, accompagnaient le duc. Le comté d’Eu avait fourni son contingent de chevaliers, parmi lesquels on comptait Gautier de Grancourt, Geoffroy, Renaud et Robert de Pierrepont, Guillaume de Monchaux, Guimont de Blangi, Honfroi et Guillaume de Biville, Guillaume de Sept-Meules » (Legris 1909). Il avait également procuré près de 60 navires. En récompense, il s’est vu gratifier de nombreuses terres dans le Sussex et dans le Kent, dont la seigneurie de Hastings.

 

Un siècle plus tard, en 1151, l’église du lieu est donnée à l’abbaye de Saint-Michel du Tréport, fondée vers 1059 par Robert Ier,  par les soins de son petit-fils Jean. Cependant, des chanoines occupent déjà cette église, et les moines du Tréport doivent attendre avant de pouvoir bénéficier des revenus de celle-ci. Les moines ne profitent guère de ce prieuré, suite aux nombreux conflits qui surviennent aux XIIIe et XVe siècles.

 

Au lendemain de la de la Guerre de Cent ans, en 1470, l’abbé André tente de récupérer la jouissance du prieuré en y envoyant cinq frères. Conscient des  difficultés auxquelles ils vont être confrontés, il sollicite alors l’aide de la reine, Marguerite d’Anjou. L’Angleterre est en pleine guerre des Deux Roses, opposant les maisons de Lancastre et de York. Or, peu de temps avant l’entreprise de l’abbé André, Henri VI, époux de Marguerite d’Anjou, avait été libéré de la tour de Londres puis rétabli sur le trône. Profitant de ce retournement de situation, l’abbé André envoie alors cette requête : « […] que ces choses considérées, il vous plaise, de vostre très bénigne grace, restituer ou estre moyen que yceulx supplians soient restitués en icelle leur eglise, ensemble les fruitz, rentes et revenues a icelle appartenans, et qu’il soit mandé yceulx supplians et leur dit commis estre receu paisiblement et mis en possession, et faire souffrir, joyr et user paisiblement d’icelle eglise de Hastingues […] ».

 

Les archives de l’abbaye ne contiennent pas d’autre information sur la réussite ou non de cette entreprise. Il semble peu probable que les moines aient réussi à faire valoir leur droit. En effet, moins d’un an après son retour sur le trône d’Angleterre, Henri VI est définitivement destitué et assassiné. La réforme anglicane au XVIe s. fera définitivement disparaître les liens que les abbayes normandes avaient pu conserver en Angleterre.

 

Pour plus de détails :

  • P. Laffleur de Kermaingant, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Michel du Tréport : ordre de Saint-Benoît, 1880.
  • A.Legris, Eu, ses Comtes jusqu’au XIIIe siècle, Eu, 1909.
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